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17 mai 2012 4 17 /05 /mai /2012 13:40

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Rapp

Chers amis lecteurs,


La série d’articles que je vous propose au sujet du litige entre la société Bénin Control et l’Etat Béninois tire aujourd’hui à sa fin. Après avoir étudié la régularité d’une éventuelle saisine d’un tribunal arbitral par les parties dans l’article précédent, nous aborderons ici les trois dernier problèmes juridiques de ce cas, à savoir :

  • Quelles seront les règles de droit applicables en cas d'arbitrage (droit administratif/ droit commercial) ?
  • Quelles sont les grandes étapes d'une procédure arbitrale en droit OHADA ?
  • Quelle est la procédure appropriée dans le cas de la suspension d'un contrat administratif de prestation de service public ?

 

Sur le droit applicable en cas d’arbitrage

Il convient tout d’abord de distinguer la loi applicable à la procédure d'arbitrage de celle qui régit le fond du litige, c'est-à-dire la loi que l’arbitre utilisera pour dire le droit et délimiter les responsabilités de chaque partie.

En ce qui concerne la loi applicable à la procédure, on peut valablement considérer que c’est le Règlement d’Arbitrage de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA (RA/CCJA) qui est applicable dans la mesure où celui-ci s’inscrit dans la continuité du traité OHADA ; traité auquel les parties ont convenu de se soumettre.

En ce qui concerne la loi applicable au fond du litige, il est fréquent de voir précisé dans une convention d’arbitrage (ou dans une clause compromissoire), le droit auquel les parties acceptent, d’un commun accord de soumettre le litige. Toutefois dans le cas du contrat du marché relatif a la mise en place du Programme de Vérification des Importations (PVI) de Nouvelle Génération, ceci n’est pas précisé. C’est le Tribunal Arbitral qui aura donc lui-même la charge de déterminer la loi applicable.

A priori, cette lacune semble de taille. Deux hypothèses s’affrontent :

Si le Tribunal Arbitral se limite au contrat, la suspension provisoire n’est prévue dans aucun article (après relecture du contrat, je ne trouve rien à ce sujet).

Si au contraire, le Tribunal Arbitral considère le fait que ce contrat a résulté d’une attribution de marché public béninois et qu’à ce titre il faut recourir non seulement aux dispositions du contrat mais aussi aux règles de droit régissant les marchés publics béninois. Ces règles prévoient notamment la suspension (Article 100 du Code des marchés publics : "En cas de non respect des prescriptions contenues dans ces ordres de service, le maître de l'ouvrage engage des mesures coercitives se traduisant notamment par des mises en demeure.

Ces mesures imposent au titulaire du marché de s'exécuter dans un délai de dix (10) jours. Passé ce délai, le maître de l'ouvrage peut décider de la suspension de l'exécution du marché.").

Mais tout n’est pas joué et cette option pourrait même être plus favorable à Bénin Control s’il s’avère que le Gouvernement, lui-même, dans l’exercice de ses pouvoir de puissance publique ne se serait pas conformé aux étapes de la procédure de règlement des différends prévu au titre VII du Code béninois des marchés publics.

 

Rappel des étapes d'une procédure arbitrale en droit OHADA

Comme annoncé précédemment, la procédure arbitrale organisée par la CCJA est soumise au Règlement d’Arbitrage de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA(RA/CCJA) : 

Saisine du tribunal arbitral : La demande d’arbitrage est introduite au moyen d’une requête adressée au Greffier en Chef de la CCJA (le Secrétaire Général de la CCJA). Elle doit contenir un certain nombre de mentions obligatoires (Art. 5 RA/CCJA).

Une copie de la requête est adressée par le demandeur, accompagnée de toutes autres pièces, à la partie adverse. Le Secrétaire Général notifie aux parties la date de réception de la demande au Secrétariat de la Cour et joint un exemplaire du RA/CCJA en accusant réception de sa requête au demandeur. La date de cette réception au Secrétariat constitue la date d’introduction de la procédure d’arbitrage. 

Réponse à la demande d’arbitrage : La partie défenderesse dispose d’un délai de 45 jours pour répondre à la notification qui lui a été faite par le Secrétaire Général de la CCJA et informer le demandeur de cet envoi, sauf lorsqu’il s’agit d’un tribunal arbitral composé d’un seul arbitre sur la nomination duquel les parties ne se sont pas entendues ; dans ce cas la réponse doit être faite dans un délai de 30 jours.

La réponse doit contenir les mentions prévues à l’article 6 alinéa 3 RA/CCJA.

Réunion préliminaire : Lorsque l’arbitre reçoit le dossier du Secrétaire Général de la CCJA, il doit convoquer les parties et leurs conseils dans les soixante (60) jours de cette réception aux fins de préparer la procédure arbitrale et en fixer le calendrier prévisionnel.

Ces différents points sont consignés dans le procès verbal qui sanctionne les travaux de la réunion. Ce procès verbal fixe la mission des arbitres.

Conduite de l’instance arbitrale : Au début de l’instance, les arbitres choisissent d’appliquer la règle de droit la plus appropriée et l’affaire est instruite par le Tribunal Arbitral qui procède à l’examen des écritures et des pièces, aux auditions des parties et des témoignages ; le Tribunal peut aussi recourir à l’expertise aux fins d’instruction.

Extinction de l’instance par la sentence arbitrale : Le tribunal arbitral détermine une date, avant le délibéré, à laquelle il ne recevra plus aucun moyen, aucune pièce et aucune demande nouvelle. Il soumet ensuite sa sentence à l’examen préalable de la CCJA avant signature finale des arbitres. Toutefois la sentence d’accord parties n’est pas soumise à cet examen, elle est transmise à la CCJA pour information et la Cour ne peut proposer que des modifications de pure forme.

Notification de la sentence : Lorsque les frais d’arbitrage auront été intégralement payés, le Secrétaire Général de la CCJA notifie la sentence aux parties. Cette notification met fin à la procédure d’arbitrage. Le Secrétaire Général peut aussi délivrer des copies certifiées conformes aux parties qui en font la demande.

Voies de recours : La sentence arbitrale n’est susceptible ni d’opposition, ni d’appel, ni de pourvoi en cassation. Elle ne peut faire l’objet que d’un recours en annulation, d’un recours en révision ou d’une tierce opposition. Le recours en annulation, recours le plus fréquent en la matière, doit être introduit dans le mois de la signification de la sentence revêtue de l’exequatur, ou dès le prononcé de la sentence, devant le juge compétent dans l’Etat partie.

Au Bénin ce sont les articles 1158 et suivants du Code de Procédure Civile, Commerciale, Sociale, Administrative et des Comptes qui encadrent la mise en oeuvre d'une procédure arbitrale tout en se référant aux dispositions du droit OHADA en la matière.

 

Sur la procédure appropriée dans le cas de la suspension d'un contrat administratif de prestation de service public

La procédure de suspension du contrat signé entre Bénin Control et le Gouvernement du Bénin peut être analysée à la lumière des dispositions du titre VII (DU REGLEMENT DES DIFFERENDS) du Code béninois des marchés publics dont les dispositions suivent :

  • "ARTICLE 95: Le non respect des engagements pris lors de la conclusion d'un marché public peut entraîner entre les parties au contrat une situation conflictuelle dont le règlement obéit aux phases successives de la tentative de conciliation des mesures coercitives, de la suspension et de la résiliation.
  • "ARTICLE 96: La tentative de conciliation est facultative. Elle permet à l'une ou l'autre des parties de saisir la Commission Nationale, Départementale ou Spéciale des Marchés Publics en vue du règlement amiable des situations relevant de la non exécution ou de la mauvaise exécution des engagements initialement pris par le cocontractant.
  • "ARTICLE 97: Le succès de la tentative de conciliation donne lieu à l'établissement d'un procès-verbal de conciliation dûment signé par les deux parties ou leurs représentants sous la supervision de la Commission Nationale, Départementale ou Spéciale des Marchés Publics.
  • "ARTICLE 98: En cas d'échec de la tentative de conciliation, il est établi un procès-verbal de non conciliation qui ouvre la voie à la procédure contentieuse décrite aux articles 100 à 105 du présent Code.
  • "Article 99 : Lorsque les prestations fournies par le titulaire ne semblent pas, de l'avis du maître de l'ouvrage, correspondre aux clauses du marché, ce dernier, par des ordres de service, l'invite à redresser les insuffisances constatées.
  • "Article 100 : En cas de non respect des prescriptions contenues dans ces ordres de service, le maître de l'ouvrage engage des mesures coercitives se traduisant notamment par des mises en demeure. Ces mesures imposent au titulaire du marché de s'exécuter dans un délai de dix (10) jours. Passé ce délai, le maître de l'ouvrage peut décider de la suspension de l'exécution du marché."

 

En l’espèce, le contrat litigieux prévoit une tentative de conciliation. Il est vrai que des séances de travail entre des représentants de Bénin Control et du Gouvernement ont eu lieu mais celles-ci n’ont manifestement pas permis d’aboutir à une solution. Il ne semble pas qu’un procès verbal de non conciliation ait été signé, ce qui laisse encore la possibilité d'une issue amiable à ce litige.

 

Je conclurai ce dossier en vous remerciant infiniment pour votre intérêt à me lire et en partageant avec vous cet adage reçu d’un homme formidable qui se reconnaîtra : "Un mauvais arrangement vaut mieux qu'un bon procès". Et je dirai même plus Une difficile conciliation vaut mieux qu'une procédure arbitrale coûteuse et dont l’issue est incertaine...

 

En cas d'échec,

Qu'adviendra-t-il des machines et scanners déjà acquis?

Que deviendra le personnel recruté pour exécuter ce marché?

Les opérateurs économiques se sentiront-ils véritablement en confiance pour continuer à faire des affaires au Bénin?

La préservation des intérêts économiques et sociaux de la nation sera-elle garantie?

Je laisse ces débats aux politiciens et aux politologues (sourire).

 

Les parties (et la Patrie) ont tout intérêt, à mon humble avis à revenir à la table de la « conciliation », à impliquer les tiers qui auraient été jusqu’ici éventuellement lésés et à définir de nouvelle bases de travail.

 

Pari difficile, mais c’est ce que je crois.

Je vous remercie.

 

Thierno.

 

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commentaires

F
Voilà qui éclaire les esprits non avertis sur les procédures en matière d'arbitrage.La responsabilité de ce crime économique pèse sur l'État qui a le devoir de sécuriser les ressources douanières<br /> qui constituent près de 50% de nos recettes en terme de productivité. Certes L'initiative de créer un guichet unique et de centraliser les recettes n'est pas moins bonne mais cet effort du<br /> gouvernement s'est fissuré par une négligence notoire et impardonnable de nos dirigeants par un contrat biaisé et taillé sur mesure pour les intérêts personnels et égoistes et non ceux de la<br /> nation.merci Citoyen, de nous éclairer sur la procédure, les hypothèses me font comprendre que dans tous les cas de figure,Benin Control et consorts en sortira toujours gagnant.Nous suivons<br /> l'affaire de près.
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  • Juriste Financier au cabinet d'avocats OTL CONSEILS. Titulaire du Certificat d'Aptitude à la Profession d'Avocat, d’une Maîtrise en Droit des Affaires, du diplôme de l'ESC Grenoble et d’un Master of Science in Accounting and Finance.
  • Juriste Financier au cabinet d'avocats OTL CONSEILS. Titulaire du Certificat d'Aptitude à la Profession d'Avocat, d’une Maîtrise en Droit des Affaires, du diplôme de l'ESC Grenoble et d’un Master of Science in Accounting and Finance.

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